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Noël avant l’heure !

// J’ai l’intime sensation que le peuple népalais est d’une générosité sans bornes. Je me lance le défi d’aller dans une ville non touristique en cette période de Dashain Festival (l’équivalent de Noël pour eux) pour mettre à l’épreuve ce sentiment fabuleux d’être accueilli les bras ouvert partout dans ce pays. Direction Tansen au cœur du Népal !

Mais avant cela, il faut quitter Pokhara. Chargé comme une mule, j’enfourche la moto du propriétaire de l’hôtel qui me dépose à la gare de bus locale. Enfin, il me laisse au coin d’une rue improbable de la banlieue de la ville. Je voulais être plongé dans la « vrai vie » des népalais, m’y voilà ! Ici personne ne parle anglais, les bus s’arrêtent au bord de la route et chacun semble savoir dans lequel il doit monter. Sauf moi…

DSC01102 [800x600modif]Un peu perdu je retrouve la gentillesse des népalais, une personne parlant un très léger anglais se propose de m’aider. Il m’explique qu’en ce moment, c’est la bousculade car pour le festival, tous les gens de la ville retournent dans leur village d’origine afin de passer un weekend prolongé en famille. Je lui demande comment faire pour rejoindre la ville de Tansen. Et voilà qu’il me prend par le bras, me fait grimper le premier dans un bus n’ayant pas fini de se garer. Il tient absolument à ce que j’ai une place assise. Je suis bien installé au bord de la fenêtre quand le bus redémarre, je lance un clin d’œil en levant le pouce pour remercier cet inconnu qui a mis mon aventure en immersion dans la vie népalaise sous les meilleurs auspices.

Il avait raison le gentil inconnu de la gare, c’est de la folie. Les gens montent et descendent du bus à coup de grande tape contre la portière. Ils sont nombreux à voyager debout, mais dès que je propose à quelqu’un de s’asseoir à ma place il refuse très poliment. L’étranger est un envoyé de Dieu dans ce pays, et çà se sent. Cela a le don de me mettre mal à l’aise alors je passe mon temps à regarder le folklore depuis la fenêtre. Deux jeunes montent à la force de leur bras un lit sur le toit du bus. Toute cette agitation autour du contrôleur me fait penser à mon petit restaurant de Pokhara, où à la fin chacun fait sa note. C’est la même chose dans le bus, les gens payent entre deux arrêts, mais je suis certains que tout le monde le fait. Il serait pourtant si facile d’esquiver car nous sommes englués dans un bus bondé où il n’y a pas de ticket pour contrôler. Le vice ne semble pas couler dans les veines de ces petits gens (par la taille seulement) au cœur d’or.

Le plus marrant dans ces longs voyages est lorsque nous sommes pris dans un bouchon. Là où en France, chacun râlerait bien enfermé dans sa voiture. Ici, la vie s’anime, des villageois habitants aux alentours descendent avec de grands paniers pour vendre des fruits, cacahuètes, etc… Mon voisin de siège achète deux fruits dont je ne connais pas le nom à un de ces marchands ambulants. Il m’en offre un sans que je ne lui demande rien, ne parlant pas anglais c’est son moyen de communication, le partage comme une invitation à la découverte de son pays. Ne sachant pas comment attaquer le fruit, il me montre et je le suis comme un apprenti répétant les gestes de son maître. Nous rigolons bien lorsque je me casse les dents sur l’écorce solide et acide du fruit, mais l’intérieur avec ses graines n’est pas mauvais du tout. J’imagine que c’est aussi le cas pour mon estomac. Le bus redémarre et nous en doublons un avec deux chèvres installées sur le toit ! C’est plus qu’un grand déménagement en ce weekend de festival, c’est le débarquement et tout le monde est convié à la fête ! Incroyable !

Surpris, je le suis de nouveau quand le bus s’arrête au bord de la route alors que personne n’a tapé contre la portière. Evidement c’est à moi de descendre, le chauffeur sort du bus, et m’indique une jeep dans laquelle je dois monter. La voiture est pleine à craquer mais dès que les gens m’aperçoivent ils se montent les uns sur les autres pour m’offrir un coin de banquette. Tout maigre que je suis après le trek, j’arrive à me faire une petite place à côté de cette famille souriante.

DSC01113 [800x600modif]Après le long voyage, la journée n’est pas finie, il me reste à résoudre la partie la moins agréable du voyageur, trouver une auberge… Dans une ville où les touristes ne courent pas les rues, la tache s’annonce ardue. Je rentre dans le Barja, trop crade, je ne peux pas rester là. Je continue de monter la petite colline jusqu’au white Lane, trop cher, je ne peux pas rester là. Je redescends la mine déconfite quand j’aperçois le rock regency hôtel, il ferme, je ne peux pas rester là…

-Combien de jour comptes-tu rester à Tansen ? me lance le propriétaire au moment où je passe le pas de la porte.

-4, le temps du festival pour essayer de rencontrer des familles népalaises.

Il m’explique qu’il n’y a pas de touriste à cette période de l’année, que tout son staff est parti dans leur village pour célébrer Dashain en famille, mais que lui va être seul ici et que par conséquent si je suis prêt à manger en ville, il veut bien rester ouvert pour moi. J’accepte la proposition surtout que j’ai aperçu sur le coin de la table un livre en français au titre évocateur… L’indécision ! A la lecture de ce mot, je me rends compte que j’ai pris la meilleure décision de ma vie en me lançant dans ce long voyage solitaire.

Je viens de m’apercevoir dans le miroir, je fais bourru voyageur avec ma barbe, çà sera parfait pour faire fuir les bêtes sauvages dans la jungle mais en tout cas, çà ne rebute pas la famille qui habite au dernier étage de l’hôtel. Il m’appelle « Sir » en permanence, même si je leur rabâche que je préfère Kévin. En montant sur le toit de l’immeuble pour profiter de la vue, une des femmes de la famille est entrain de cuisiner des rognons et des intestins. Curieux je veux essayer. Ils n’ont rien avoir avec le plat que j’affectionne tant quand il est préparé par ma maman, mais il n’est pas mauvais du tout bien que relevé !

DSC01154 [800x600modif]Seul au monde, sur le toit de l’hôtel, j’ai une vue merveilleuse sur la vallée et les montagnes. Sublime ! Que demande le peuple ?! Le retour des maoïstes dans des affiches d’un autre temps… Certainement pas le propriétaire de l’établissement avec qui j’ai eu le plaisir de discuter politique. A l’image de nombreux népalais, il regrette le temps du royaume. Les élections programmées au mois de novembre ne lui apportent pas beaucoup d’espoir. Il est conscient que son pays se fait manger par ses deux grands voisins. Et comme il n’y a plus de personnalité forte à la tête du pays pour défendre les intérêts du Népal, alors la corruption fait son chemin et les politiques vont de petits arrangements en petit arrangements qui ne profitent qu’à eux au détriment du peuple népalais. La démocratie est toute récente dans ce pays, et elle est déjà totalement discréditée… Triste.

S’il ne me restait plus qu’une heure à vivre, je voudrai la passer dans la ville de Tansen où le temps semble s’être arrêté. Les dix minutes habituelles que j’ajoute à mon réveil prennent des allures d’éternité reposante. Je marche dans la ville déserte. Un groupe de gamin surgit de nulle part. Ils  suivent un vieux monsieur trainant une charrette autour de son cou. Je les suis, et comme eux je commande une sucrerie. Dans une feuille de je ne sais quel arbre, un peu de confiture, beaucoup de graine et hop en bouche ! (Beurk ! et dire que les gamins en raffolent au Népal…) Je reprends lentement ma marche vers le sommet de la ville, à l’entrée de la forêt, la vue sur la vallée est toujours aussi belle, et j’attendrai paisiblement le coucher de soleil assis sur un gros caillou.

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DSC01172 [800x600modif]De retour à l’hôtel, la famille du dernier étage trouve anormal que le propriétaire et moi restons seuls en cette période de fête. En effet, le Dashain Festival est la période la plus importante pour les népalais. L’équivalent de notre Noël en France, mais eux ne célèbrent pas la naissance d’un saint, ils fêtent la victoire du bien sur le mal. C’est donc tout naturellement qu’ils nous invitent à manger avec eux. Quand j’écris « manger avec eux » signifie uniquement entre homme. Le Népal est un pays où être une femme n’est pas encore facile, et elles n’ont le droit de manger qu’une fois que nous avons fini, elles se démènent en cuisine, nous servent et resservent jusqu’à ce qu’on en puisse plus. Autre détail amusant, même en période de fête, le repas est toujours le même : Dal Baht ! Ce soir nous ne sommes que la veille du jour le plus important de ce festival qui dure officiellement 15 jours, mais cela n’empêche pas le roksi fait maison de couler à flot. Les langues se délient et la grand-mère veut m’offrir un de ces tapis concoctés à la main. Il est très beau, mais à lui seul, il est plus lourd que mon sac à dos. En mimant une scène où je tombe à cause du poids de son cadeau, elle comprend avec le sourire que je ne pourrai pas l’emmener avec moi.

Le réveil sonne de bonne heure, je jette un œil à la fenêtre, le temps est maussade, pas de lever de soleil sur le sommet de la colline ce matin, alors je me recouche. TOC TOC ! Il est dix heure trente et les filles de la famille du dessus viennent me réveiller dans leur costume traditionnel pour savoir si je veux participer à la cérémonie avec elles. Çà me rappelle le jour de noël en famille, où mon frangin dort jusqu’à point d’heure alors qu’en temps normal il est toujours réveillé avant moi…

C’est la gueule enfarinée mais la banane jusqu’aux oreilles que je me glisse dans la chambre aménagée pour l’occasion. Je prends soin d’enlever mes chaussures, et d’avancer doucement en regardant tout ce qui se passe afin de ne pas commettre d’impair. C’est assis en tailleur devant la grand-mère de la famille qui me coiffe d’une brindille et me dépose le Tika. (Troisième œil de Shiva, soulignant ma dimension spirituelle, il est censé me porter bonheur). Puis dans un geste plein d’affection, elle m’offre comme à tous les autres membres de sa famille, une pomme et un billet de 100 roupies tout neuf. (Chaque année la banque népalaise imprime des nouveaux billets pour l’occasion). Connaissant la terrible histoire d’Adam et Eve chassés du terrain d’Eden pour avoir mangé le fruit défendu, je ne croquerai jamais dans la pomme pour profiter jusqu’au bout de la magie de la chambre de Tansen.

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Une fois que tout le monde a eu le droit à son cérémonial, toujours effectué par un plus ancien sur un plus jeune, nous nous mettons à manger. Toujours les hommes en premier, toujours du Dal Baht, et toujours du roksi en guise de boisson. Quant nous avons fini, c’est au tour des femmes de manger, et j’aperçois que la grand-mère ne mange pas de Dal Baht. Je lui demande si je peux essayer, et c’est avec plaisir qu’elle m’offre une cuillère de ses patates au yaourt épicé. Excellent ! Un contraste saisissant entre le piment et la douceur du laitage.

J’ai ensuite droit à la traditionnelle séance photo avec toutes les filles de la famille. D’ailleurs ils insistent gentiment pour essayer de me marier avec l’une d’elle. Mais comme dans toutes ces journées de bonheur, il y a une personne qui n’arrive pas à en profiter amplement. Je lis une énorme tristesse dans le regard de la plus petite des filles. Je m’approche pour lui demander ce qu’il lui arrive, et dans un excellent anglais, elle me raconte que sa famille lui manque. Elle n’a pas revu son père depuis 4 ans, sa mère et sa grande sœur depuis 2 ans car ils sont partis gagner de l’argent pour toute la famille au Japon. Actuellement elle vit avec une de ses sœurs, ses cousines et ses grands parents qui sont restés au Népal. Je n’arrive plus à me rappeler les mots que j’ai prononcés, mais elle m’a souri, d’un sourire plein de couleur qui illuminait la pièce comme le roksi donnait le son à des blagues incompréhensibles pour les non népalais. C’est Noël avant l’heure !

C’est mon dernier soir à Tansen, et je monte remercier la famille qui m’a accueilli pour cette incroyable cérémonie. La petite, toujours aussi triste, m’offre des meat balls faites maison. Un petit goût de Turquie, en plus… (Vous l’aurez deviné)… Epicé ! Cette famille d’une générosité incroyable restera comme le symbole de mon voyage au Népal, ils vont me manquer…

// Je suis parti dans la ville de Tansen pour mettre à l’épreuve la générosité des népalais. J’ai été servi au-delà de mes espérances, et en guise de conclusion, c’est un gigantesque MERCI que je veux envoyer au propriétaire du rock regency hostel et à la famille du dernier étage… Merci de m’avoir offert un Dashain Festival à jamais gravé dans mon cœur… (La mémoire on ne peut pas lui faire confiance, avec le temps elle s’effrite, alors que le cœur, il se rappelle de tout jusqu’au dernier de ses battements…).

Tansen:

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Jeudi, décembre 19th, 2013
Filed under:
Nepal.
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14 Comments to “Noël avant l’heure !”

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@majic fans: Coucou les verts !
Merci pour votre petit mot plein d’attention. ;-) Pour ne pas perdre contact avec la France, je continue de suivre l’actualité sportive. En tout cas je vous souhaite à tous un très bon réveillon et plein de bonheur pour la nouvelle année.
Caché dans le nord nord de la Thaïlande je pense bien à vous.
Je vous embrasse très fort en espérant vous revoir avant le prochain noël (j’ai pris note de la suggestion).

décembre 31st, 2013
Kassé

Coucou Kévin c’est un régal de te lire et de profiter des photos qui illustrent ton périple. Tel un « Indiana Jones » de la poésie… Tu as partagé un noël népalais et bien d’autres rencontres … et nous pensons bien à toi…si loin et si présent à la fois. Le prochain noël nous aimerions le partager en famille avec toi…D’ici là nous rêvons dans tes yeux et tu voyages dans nos coeurs… Que l’année 2014 t’apporte la plénitude!
Très affectueusement,
Christian, Corinne, Quentin et Aubin

décembre 28th, 2013
majic fans

@fifi: Merci beaucoup! Vos souhaits me sont parvenus jusqu’à l’extrême nord de la Thaïlande. ;-)
Et je vous renvoie les miens avec plaisirs. Profites de ces fêtes de fin d’année !
Bisous à tout le monde.

décembre 27th, 2013
Kassé

bonjour kevin nous te souhaitons de bonne fête de fin d année et constatons que t on periple se passe tres bien
bonne continuation
toute la famille fifi est contente pour toi

décembre 26th, 2013
fifi

@Carlos et Danielle: Merci! Joyeux Noël à toute la famille. J’aurai une grosse pensée pour vous au moment de me coucher et demain! Profitez en bien pour moi. Bisous

décembre 24th, 2013
Kassé

Nous te souhaitons un joyeux Noël, nous pensons bien a toi.
Tu nous manqueras demain soir.

Gros bisous.

décembre 23rd, 2013
Carlos et Danielle

@LEONET: Coucou les Léons!
Merci beaucoup, et c’est depuis le nord de la Thaïlande que je vous envoie plein de bonheur pour ces fêtes de fin d’année.
JOYEUX NOEL !
Bisous à tout le monde.

décembre 23rd, 2013
Kassé

@IsaBelle: Merci beaucoup! Je vais essayer de combler le retard, et continuer à vous faire voyager à travers mes écrits… Promis! ;-)
J’ai décidé de passer les fêtes de fin d’année dans un petit village hippie au nord de la Thaïlande, et depuis là bas…
Je te souhaite un Joyeux Noël !
Bises

décembre 23rd, 2013
Kassé

@Lucia: Je suis tombé amoureux du Népal. Le gros coup de cœur du voyage pour l’instant… Je ne peux que te recommander de visiter ce pays et ces habitants si accueillant.
Joyeux Noël à toi! ;-)

décembre 23rd, 2013
Kassé

@flo et manu: Merci beaucoup la famille Pereira.
Je vous souhaite également de belles fêtes de fin d’année.
Bises

décembre 23rd, 2013
Kassé

Coucou!

Nous te souhaitons un Joyeux Noel!
Bisous des Léons!

décembre 22nd, 2013
LEONET

Tes écrits nous font toujours voyager… comme si nous y étions ! Continue toujours comme ça.
J’espère que tout va bien, là où tu es.
Passe un bon noël !
Bises

décembre 22nd, 2013
IsaBelle

I know where I will plan my next trip :)
Joyeux Noel !!! ^^

décembre 20th, 2013
Lucia

Nous te souhaitons un très joyeux Noël gros bisous

décembre 19th, 2013
flo et manu
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