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L’enfer repeint de blanc devient-il le paradis ?

// Dans ma quête d’authenticité, après avoir repris au ralenti la route des 726 virages, j’enchaîne avec le bus de nuit en direction de Chiang Rai. Çà me permet d’éviter une nuit dans la trop occidentalisée ville de Chiang Mai. Çà me permet d’être plongé dans un bus de locaux heureux de voir que certains « touristes » s’aventurent dans leur quotidien. Mais çà me permet surtout… de découvrir que la vie est pleine de surprises où les acquis ne sont qu’illusions : Il y a pire qu’un film de Bollywood… un navet américain doublé en Thaï ! Attention les yeux et les oreilles !

DSC00928 [800x600modif]A l’arrivée, la musique a changé, mais la lumière est toujours allumée. Sans m’en rendre compte, noyé dans une marée humaine, je traverse le night bazar. Est-ce à cause de ce brouillard de chair que je n’arrive pas à sentir la chaleur d’une auberge familiale ? Je ne vois rien à l’horizon… et je finis par lancer un SOS dans un bar (érotique ?). La propriétaire appelle un de ses amis qui vient me chercher en scooter pour me louer une chambre très sympa dans un hôtel en rénovation (qui n’a rien d’un hôtel de passe). Après quelques bavardages avec mon voisin des Alpes… je tombe d’épuisement ! Bonne nuit les petits Suisses !

DSC00869 [800x600modif]Le jour se lève en même temps que le chant des travaux de l’hôtel. Les yeux mi-clos, je transporte ma fatigue dans le centre ville qui n’a plus rien d’étouffant. Il n’y a rien, il est vide d’intérêt et de gens… Seule la chaleur rend mes paupières lourdes, toujours plus lourdes… Alors je me refugie dans un temple abandonné pour me relaxer. Pas de présence divine mais une sérénité et un calme beaucoup plus agréable que dans le festival des fleurs. Ce dernier, à l’image de la Thaïlande, fait artificiel. Dans ces jardins aux milles couleurs mais sans odeurs, les mannequins plantés peinent à faire illusion… Le fantasme du « pot de fleur » est-il illustré dans cette exposition ?

Ce qui est certain, c’est que la banane est plus qu’illustrée dans les délicieux Roti, elle y est carrément fourrée ! Guidé par mon odorat, je continue ma balade de découverte culinaire en découverte culinaire… Malheureusement, on ne peut pas réussir à tous les coups ! Je me lance à grignoter des petits morceaux grillés dont raffolent les thaïlandais… il s’agit de tendons de poulet. Les anciens racontent que ces ligaments sont plein de vertus, certainement une hérésie comme nos parents qui nous font croire que la soupe fait grandir ! L’appétit coupé, je n’ai plus les yeux assez gros pour me lancer dans la dégustation d’une fondue locale. Tel un chien repus, je pars en quête d’un territoire pour pisser.

DSC00959 [800x600modif]De rue en rue, le nez levé, je m’égare dans le quartier de la veille, qui ressemble étrangement à un coin pour fille de joie. Pas besoin d’avoir une gueule d’ange, « à priori, celle d’un chien suffit », pour s’imaginer être le chanteur de Daniel Balavoine : « Et partout dans la rue / J’veux qu’on parle de moi / Que les filles soient nues / Qu’elles se jettent sur moi / Qu’elles m’admirent, qu’elles me tuent / Qu’elles s’arrachent ma vertu ». J’avance doucement, trainant une cohorte de filles derrière moi, que je sème à coup de refus… refus d’un verre dans leur bar, refus d’un massage à l’étage… Puis surgit au milieu de la nuit, cette merveille d’orient, une beauté sans nom au regard attendrissant et à la gestuelle d’une douceur qui n’a d’égale que les voyages cotonneux dans des paradis illusoires. Je fuis pour ne pas céder à ses chants de sirène. Deviendrai-je peureux ou raisonnable ? Elle est si belle, pourquoi a-t-elle besoin de faire çà ? J’aimerai pouvoir la séduire sans argent, mais sans argent, il ne reste plus qu’à traverser la rue dans l’espoir de trouver un bar « normal », en vain…

Cette approche des nuits Thaïlandaise me fait comprendre comment de vieux allemands au ventre bedonnant peuvent se sentir désirés. Ils se laissent délicatement bercer d’illusions mais pas aussi consciemment qu’on l’imagine depuis l’Europe. Même si le résultat est le même, la prostitution est « festive » en Thaïlande. C’est troublant…

La gloire d’être un touriste « blanc » n’apporte pas que des jolies demoiselles à vos pieds, il y a aussi celles qui s’assoient à vos côtés dans le bus… Et ce matin, en allant au White Temple, je suis particulièrement gâté avec une jeune fille qui… pue ! (au sens « propre », si on considère ce qualificatif comme approprié à la situation).

Le White Temple, aussi appelé « Wat Rong Khun », est une offrande d’un richissime artiste thaïlandais, Chalermchai Kositpipat, en l’honneur du roi actuel de Thaïlande. On retrouve le côté effrayant et morbide de l’enfer tout autour du temple dans lequel nous entrons à travers deux immenses crocs protégés par des dragons. Dans cette pièce jaune au couleur du Royaume, l’élévation de Bouddha sur plusieurs niveaux dont le dernier, au centre, immaculé de blanc pour symboliser la pureté du bouddhisme et incrusté de petits miroirs pour suggérer la réflexion de l’illumination me laisse sans voix… Superbe ! Cette étrange construction humaine fait naitre en moi cette question qui ne me quittera plus : L’enfer repeint de blanc devient-il le paradis ?

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Pendant que les dragons protègent l’esprit, et que bouddha s’envole, moi je retrouve mon cœur et l’envie d’apprendre… Avec le sentiment de celui qui a fait le bon choix, prendre la route, à la découverte des autres et de soi-même, malgré la foule (faut dire que la visite est gratuite) je vous recommande ce détour. L’artiste finance son projet fou grâce aux dons et par la vente de ses peintures. L’œuvre est toujours en cours de construction, il reste de nombreux temples à parachever.

DSC00990 [800x600modif]D’être passé de la lassitude d’un pays à l’émerveillement d’une œuvre qui résonne encore au plus profond de moi m’achève, le soleil est à son apogée et je m’endors… Je retrouve mes esprits lorsque les charmants propriétaires de l’hôtel viennent frapper à ma porte. Inquiets, ils viennent s’enquérir de mon état de santé ! Je les rassure et je passe la soirée avec eux et quelques clients. Mais avant cela, je rejoins la bondée « walking street » où se tient un marché chaque samedi soir. Chaque pas en avant est une lutte contre la masse humaine, je me crois de retour en Inde. Mais il y a énormément de thaïlandais ce qui est toujours bon signe, d’ailleurs je mange beaucoup mieux qu’au night bazar de la veille. La curiosité retrouvée du voyage, je relève un défi et m’enfile un cornet d’insectes frits ! C’est plutôt bon, un petit gout de chips salés, mais le problème : ils refroidissent très vite à cause de leur taille. Dès lors ils deviennent écœurants, avec l’impression de boire uniquement de l’huile.

De retour à l’hôtel, je digère toutes ces petites bêtes, à coup de Sangsom (Rhum local) partagé avec les propriétaires suisses. Il y a aussi Lara, une américaine qui était venue pour deux mois et se retrouve embarquée comme volontaire à l’hôtel et dans un centre de méditation depuis presque une année. Assis en face d’elle, les bras balans mais la verve arrogante, se trouve Michael, le cliché de l’allemand en Thaïlande avec ses blagues lourdes, un poil raciste… et son ventre imposant ! Il forme une doublette de choc avec Dédé l’alcoolique qui n’a pas d’autre solution que de foncer dans le mur pour arrêter et garer son scooter. Dans un crachin à peine compréhensible, il nous explique que c’est un royaume de fous qui ne respectent plus rien. Mais heureusement que malgré cela, lui revient chaque année pendant 3 mois pour dépenser ses sous… Tous çà dans un acte de générosité insensé pour la survie de ce pays.

DSC00919 [800x600modif]Néanmoins tout n’est pas à jeter dans leur galimatias. Avec leur expérience de la prostitution, je découvre que de nombreuses filles en ville sont reconnues par un simple bout de papier mais qu’elles sont considérées comme apatrides. On les appelle communément les filles de la montagne ou les filles pas claires. Çà m’intéresse d’en apprendre davantage, je prends la décision de visiter le musée des tribus montagnardes de Chiang Rai avant de partir pour Mae Salong le lendemain.

Au petit matin, encore dans le gaz avec les vapeurs du Rhum, j’arrive au musée. Premier choc, on parle principalement d’opium. Il faut dire que je me rapproche du fameux triangle d’or, Thaïlande/Laos/Birmanie. Je suis aux pieds des montagnes qui renferment ce fameux royaume de l’opium où régna le légendaire Khun Sa, baron de la drogue, qui n’avait rien à envier au très médiatique, Pablo Escobar. Une fois, le « seigneur de la mort » chassé, le gouvernement thaïlandais a imposé la culture du thé à la place de celle du pavot. Bien entendu il reste d’innombrables parcelles clandestines. Dans un petit coin du musée, je trouve la réponse à l’origine de ma venue ici : Pourquoi les filles de la montagne sont considérées comme apatrides ? En effet les peuple des tribus montagnardes ne sont pas reconnus comme thaïlandais, bien que vivant dans le royaume de Siam depuis plusieurs générations, car ils sont originaires des pays voisins. En raison des frontières poreuses, le gouvernement thaïlandais craint un exode massif vers son pays s’ils accordent la nationalité thaïlandaise à ces tribus.

// Bien que très scolaire, cette visite du musée n’était pas de trop. C’est avec la joie retrouvée du voyage que je pars découvrir la Thaïlande du nord sous un jour nouveau. Sans me retourner vers le soleil de Chiang Rai, j’enfile mon sac à dos pour marcher en direction de Mae Salong à la conquête de révélations sur les ethnies de la montagne…

 

Chiang Rai:

Posted on
Mardi, novembre 4th, 2014
Filed under:
Thaïlande.
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