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Nous : Sauvages !

// C’est une nuit contrastée et interminable qui m’accompagne vers la rose du nord. N’ayant pu obtenir de couchette, emmitouflé dans ma couette, me tordant dans tous les sens, je lutte contre la climatisation toujours trop forte des trains thaïlandais. L’arrivée du jour s’apparente à un rêve éveillé. Un réveil magique, où à travers la vitre du train qui avance au ralenti, le soleil se lève progressivement pour ne pas brusquer la quiétude de ce paysage aux milles verts. La jungle et les montagnes tremblantes sous les rayons chaleureux d’une lumière nouvelle me font vibrer comme le Népal m’a envouté…

Après une nuit d’insomnie à ressasser le parcours effectué depuis le début, il ne peut y avoir plus fort symbole que ce réveil féérique… je suis sur la bonne voie. La rêverie a ses impondérables que la réalité d’une vitre ne peut masquer : Me voilà arrivé sur le quai de la gare de Chiang Mai. Le souffle de vie turbulent, engendré par tous ces blancs aux valises trébuchantes n’annonce rien de bon. C’est à ce moment là qu’une japonaise voyageant seule (cas unique jusqu’à présent), me demande si je sais où se trouve l’auberge de jeunesse « Deejai » dont j’avais déjà entendu le nom à Bangkok. Aucune idée, mais nous faisons le voyage ensemble à travers la ville. Au nombre infini d’agence de voyage, je comprends vite qu’il n’y a rien à faire ici, et que tout se passe dans les alentours et ses magnifiques forêts verdoyantes.

10376341_10152423753173841__med_hrJe passe mon après midi à flâner en solitaire dans les rues bien ordonnées du centre ville de Chiang Mai. Encerclé par un cours d’eau détourné, le cœur de la ville forme un carré où je me sens prisonnier de son architecture artificielle. Aux commissariats succèdent des temples aux jardins peuplés d’agence de tourisme d’où surgissent les vagues assoiffées de sauvages hurlants au plaisir des bières fraîches. Faut dire que les pubs irlandais font la course aux bars latino dans une ville qui n’a plus rien de thaïlandais. C’est envahi de ce sentiment d’imposture, que je repousse la horde de tuk-tuk rouges qui me propose des services sur brochures plastifiées à ne plus savoir qu’en faire. Désemparé, je pose mes fesses à côté du seul habitant qui accepte de me faire la conversation sans me réclamer de l’argent. Il m’apprend notamment que le moine placardé sur tous les murs de la ville s’appelle Luang Pu. Il a plus de 90 ans et c’est le doyen des moines vivants en Thaïlande.

-Je suis certain qu’il t’apprécierait beaucoup. Il a toujours vécu entouré de chats. Et tu sembles être comme eux… solitaire, ne t’approchant que lorsque tu veux savoir quelque chose !

Cette remarque légèrement teintée de reproche me fait sourire lorsque j’aperçois au loin un groupe d’australiens beuglants sur les vertus des cocktails bon-marchés. Il aurait certainement pu ajouter que je suis égoïste. Intransigeant dans ma façon de ne m’intéresser qu’aux locaux tout en refusant de payer pour poser mes questions, ce qui semble être une vision du voyage totalement surréaliste en Thaïlande. Mais je crois que je préfèrerai toujours être un petit chat solitaire et patient dans sa quête de réponse, plutôt qu’un mouton dévastateur qui ne s’intéresse qu’aux pas de danses de ses congénères de soirées sans prendre le temps de découvrir le pays qu’il piétine impunément.

DSC00570 [800x600modif]En parlant de mouton, il est d’ailleurs temps pour moi de récupérer ma laine à la laverie automatique. (Et même si les températures sont agréables, un chat s’est coincé dans ma gorge provoquant une toux qui ne me quitte plus.) Je retrouve la famille du restaurant d’à côté qui m’avait aidé à trouver des jetons pour la machine ainsi que pour acheter ma dosette de lessive liquide. C’est tout souriant que l’ancien ne parlant pas un mot d’anglais, m’accueille avec mon linge plié, tendu au bout de son bras droit pendant que sa main gauche soutien son coude dans la plus pure tradition bouddhiste. Ce geste, symbolise une offrande faite avec tout son cœur. Touché par tant de grâce, je m’installe à la table de leur restaurant pour déguster une soupe dont ils ont le secret.

De retour à l’hôtel, je fais la connaissance d’un duo de français recherchant un troisième larron pour aller jouer avec les tigres. Assez sceptique sur le traitement infligé aux bêtes que j’imagine sous sédatif, je me décide à accepter leur proposition afin de pouvoir faire ma mauvaise langue après l’avoir expérimentée de mes propres yeux. Cependant, je ne les suis pas dans leurs soirées endiablées où je peux facilement être critique pour les avoir testées plus d’une fois. La beuverie inconsciente entre « occidentaux sauvages » ne m’apporte plus grand-chose si ce n’est une gueule de bois carabinée. Il est déjà venu l’heure pour moi de jouer aux vieux cons et je crois pouvoir affirmer que çà ne me dérange pas plus que çà.

DSC00599 [800x600modif]Au petit matin, l’esprit frais d’une nuit reposante, je retrouve un seul des deux compères : Ange, qui n’en a pourtant que le prénom. Après leur terrible nuit, son ami malade ne peut pas nous accompagner. La demi-heure enfermée au milieu des tigres fut un sacré moment de joie, c’était… COOL ! Plein de préjugés (qui sont peut être réels), je m’attendais à retrouver des animaux totalement amorphes, drogués pour le plaisir des touristes… Après cette expérience, je pense surtout qu’ils sont dressés, habitués à la présence humaine depuis leur naissance, et qu’ils ne sont pas affamés car nourris par les hommes (Nous sommes loin des tigres sauvages. je resterai sceptique sur leur chance de survie s’il fallait les remettre dans leur milieu naturel). Cependant je ne pense pas qu’ils soient sous sédatifs, car les dresseurs les font vraiment bouger. D’ailleurs je n’aimerai pas me retrouver dessous quand les tigres se mettent à jouer en sautant jusqu’à trois mètres de haut pour claquer une noix de coco. Après mettre fait balader par Tigrou, mon nouvel ami, moi le chat Kassé, je profite de cet espace personnel pour vous glisser une petite vidéo de Greenpeace : (ni voyez pas une conversion totale de ma part pour les idéaux de Brigitte Bardot et ses amis !)

http://www.dailymotion.com/video/x22d8wd_des-chats-pour-sauver-des-tigres-mis-en-scene-par-greenpace_news

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N’ayant pas eu de chairs fraîches à me mettre sous la dent depuis la veille, je fais escale dans mon nouveau QG où les soupes sont toujours aussi bonnes. A l’intérieur du bol, dans le reflet d’une eau bouillonnante, j’aperçois le visage d’un chat qui aurait bien besoin de se faire raser les moustaches ! En route pour le coiffeur où j’offre mes tifs à une barbière peu commode pour la modique somme de 40 bahts (environ 1 euro). Enfin, çà c’est ce que je croyais, car après m’avoir fait une coupe interdit chez toutes les personnes qui se respectent (elle n’a jamais mouillé mes cheveux, jamais utilisé les ciseaux, tout à la tondeuse et à l’œil), elle me réclame 140 bahts. Nous coupons la poire en deux à défaut de mes cheveux, et me voilà reparti avec une tête qui ne vaut pas deux euros !

DSC00638 [800x600modif]Pour mon dernier soir à Chiang Mai, je participe au BBQ organisé par l’hôtel à côté de leur piscine. Et à ce moment là, je comprends enfin pourquoi cette ambiance ne me plait pas, pourquoi ce tourisme de masse et de fêtards ne me convient pas, je comprends enfin pourquoi je ne m’intègre jamais dans ces groupes de jeunes où il faut se présenter… fier ! Dire tout haut d’où l’on vient et tout ce que l’on a traversé pour arriver jusqu’ici. Il faut vendre son voyage comme la chose la plus difficile et incroyable qu’il soit permise de faire. D’humeur joueuse, j’enfile mon costume d’apprenti sorcier pour casser un peu leur délire, car nous empruntons tous plus ou moins la même route. Lorsqu’un australien se présente à moi… : « attends, laisse moi deviner… tu as commencé par l’Indonésie avant de rejoindre la Malaisie et d’arriver maintenant en Asie du sud-est », lorsqu’il s’agit d’un allemand ou d’un hollandais… : «  attends, attends, laisse moi deviner… tu es passé faire un trek au Népal avant de rejoindre l’Asie du sud-est (je sais que tu as sauté l’Inde, mais chuuutttt) ». Cela marche presqu’à tous les coups mais çà me met hors jeux car je casse le mythe du voyage unique et exceptionnel. Le pire dans tous çà, c’est qu’ils n’en ont que faire, et ne se remettent pas en question sur le fondement et les raisons de leurs aventures. Ils vivent dans leur bulle à la découverte de tous les night clubs du monde, mais pour le reste… (De tous cela, je retiens un élément commun : ils ont détesté le Laos, ce qui me rend encore plus impatient de découvrir ce pays.)

// Par la magie de facebook, j’ai retrouvé Danny, un américain rencontré à Katmandu qui m’explique adorer Chiang Mai, car il se sent comme chez lui… il est à la maison ! Il a tapé dans le mille et je crois qu’il ne peut y avoir plus juste description pour définir la Thaïlande. Nous les sauvages « civilisés », nous avons fait pousser des villes occidentales au cœur d’une nature paradisiaque pour que la jeunesse vienne s’amuser à moindre frais sans la crainte du déracinement. Bienvenue en « terrain connu » !

Chiang Mai:

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Vendredi, août 1st, 2014
Filed under:
Thaïlande.
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2 Comments to “Nous : Sauvages !”

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@Lison: Merci Lison!
Je vois que tu ne perds pas tes bonnes habitudes… A croire que tu es née pour être en vacance… (Après l’année que je viens de passer je suis mal placé pour dire çà, mais shut!)
Bises et à bientôt ;-)

août 8th, 2014
Kassé

Hello!! Je te souhaite un joyeux anniversaire avec un peu de retard ( jetais dans un coin paume en vac ou ca ne passait pas) Oui oui encore en vacances. Bises profite bien !!

août 7th, 2014
Lison
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